Kokko Quartet : Broken Dream
Troisième album du groupe Kokko Quartet basé à Helsinki, « Broken Dream » offre un jazz léger aux accents poétiques indéniablement scandinaves. C’est juste qu’il est brassé avec des musiques d’origines diverses qui lui procurent des intonations distinctes. Le premier titre, « Moon Over Mysore », est un bel exemple de la manière dont le quartet parvient à installer des atmosphères relaxantes. La saxophoniste Kaisa Siirala déroule des phrases mélodiques et soyeuses qui se tordent parfois comme des couleuvres en mouvement. Avec la pianiste Johanna Pitkänen, elle compose un tandem en parfaite harmonie, les deux musiciennes étant manifestement animées par une même vision lyrique, dont le titre de la composition se fait l’écho.
Pour varier les sonorités, le quartet a fait appel à quelques invités, comme le trompettiste Ilkka Arola. Sur « Tigris », dédié au fleuve mésopotamien qui fut un des berceaux de l’humanité, son jeu dans le registre médium se marie à merveille avec celui de la saxophoniste et s’inscrit sans heurt dans la trajectoire compositionnelle du quartet. On retrouve également le trompettiste sur cinq autres pièces dont le titre éponyme qui contient de la musique éthiopienne. Basé sur des concepts propres à la musique hindoustanie, « Ekadasha » est marqué par le violon de Lotta Heiskanen, la combinaison des styles atteignant ici son apogée en créant une musique dont on reconnaît les composantes mais qui garde malgré tout son originalité. La plus dépaysante des neuf compositions est « Taa Taa Tarekita » qui a recours aux pratiques rythmiques vocales basées sur des onomatopées comme on en rencontre dans la musique traditionnelle indienne appelée konnakol. Le disque se referme sur « Longa Longissima » peuplé de percussions additionnelles et nourri d’improvisations en arabesques jouées au saxophone et sur un luth arabe (oud).
« Broken Dream » est un disque agréable, facile à écouter et qui dépayse, mais de manière subtile. Il s’inscrit dans la mouvance d’un jazz métissé, ouvert sur le vaste monde, et dans lequel s’engouffrent bon nombre de groupes européens actuels. Il faut dire que les variantes d’une telle approche sont multiples et qu’on est encore loin d’en avoir exploré toutes les possibilités.