Lionel Beuvens : 49 Steps to Heaven

Lionel Beuvens : 49 Steps to Heaven

Hypnote Records

Batteur d’exception, Lionel Beuvens a collaboré à une quarantaine de disques aux côtés de musiciens comme Fabrice Alleman, Giuseppe Millaci, Eve Beuvens ou Steven Delannoye. Mais il a aussi enregistré deux disques sous son nom, « Trinité » (2013) et « Earthsong » (2017), qui proposent un jazz moderne mettant en exergue la richesse des compositions du leader, ainsi que les qualités des complices qu’il s’est choisis pour les interpréter. Et ce sont encore les mêmes qui jouent aujourd’hui sur son troisième album : Alexi Tuomarila (piano), Kalevi Louhivuori (trompette) et Brice Soniano (contrebasse), ce qui crée forcément une continuité évolutive dans l’œuvre de Lionel, qui avait initialement créé ce projet en 2011 pour le Gaume Jazz Festival.

Cette fois encore, le répertoire, entièrement composé par le batteur, est aussi contemporain qu’il est contrasté. Les diverses inspirations apparaissent subtilement au fil des plages. Ainsi, si l’ « Intro » sonne comme une musique chambriste avec sa contrebasse jouée à l’archet, le titre éponyme qui lui succède rentre dans le vif du sujet : un jazz atmosphérique d’une beauté à couper le souffle, éclairé de l’intérieur par la trompette suave du Finlandais Kalevi Louhivuori. Avec le troisième morceau, « Cité Soleil », la digue craque sous le flot tumultueux d’un Fender Rhodes chauffé à blanc par Ewout Pierreux en invité, lui-même relayé par une trompette dont l’agilité et la précision convoquent le fantôme d’un certain Miles Davis. C’est ensuite le saxophoniste alto Frank Vaganée qui intervient sur un « For Three’s » plus sinueux, délivrant un solo rigoureux aux couleurs moirées que l’on suit avec délectation. Après les tambours tribaux africains du court « What’s Even », viendront encore trois morceaux d’approche différente, dont une envoûtante « Valse A Cinq Temps » qui, pétrie dans la sonorité du Rhodes, renvoie une fois encore à la fusion électro-acoustique créative telle que la concevait Miles à la fin des années 60.

Le quartet de Lionel Beuvens concentre tout ce qu’on apprécie dans le jazz actuel. Sa musique protéiforme est aussi exigeante que séduisante, aussi imprévisible que méticuleuse, et aussi belle que puissante. En ces temps aculturés, si on vous demande un jour : le jazz, c’est quoi ? Répondez : c’est la première des 50 Marches Vers Le Ciel. Les 49 autres sont à découvrir en écoutant cet album.

Pierre Dulieu