Paradoxant : Constructions pop dans un projet qui ne l’est pas !

Paradoxant : Constructions pop dans un projet qui ne l’est pas !

Vous avez pu lire il y a quelques jours ma chronique de « Earworm », le premier album (qui existe uniquement en version vinyle et digitale) de Paradoxant. Un nouveau groupe belge formé par Antoine Meersseman, par ailleurs membre de BRNS. Album d’une noirceur apparente qui ne renie pas mélodies pop et rythmes sautillants ! Etrange et réjouissant. En attendant et en espérant d’hypothétiques concerts, on fait le point sur cette aventure avec l’instigateur du groupe.

Paradoxant © Lucie Martin

«J’assume pour la première fois un travail en solo… A 35 ans, c’est tardif !»

Comment est né ce nouveau projet ?
Antoine Meersseman : Le dernier album de BRNS date de 2018 et après sa sortie, chacun s’est mis à faire des choses de son côté. J’ai continué à composer pas mal et comme on ne répétait pas beaucoup avec le groupe je me suis retrouvé avec du matériel déjà bien avancé. Je trouvais qu’il y avait une certaine esthétique qui se dégageait de ces compositions-là. J’ai aussi commencé à chanter. J’assumais pour la première fois un travail en solo, à presque 35 ans… c’est tardif (rires) ! Puis j’ai retravaillé les textures avec Monolithe Noir, qui a amené d’autres sons. Il m’a aussi mis en confiance, m’a poussé dans ce projet. Je sortais d’une autre expérience, Namdose (BRNS + le duo français Ropoporose – NDLR). J’avais sympathisé avec le batteur Romain Bernard, fraîchement installé à Bruxelles. Il a tout de suite été d’accord pour intégrer le projet Paradoxant.

«L’ensemble sonne un peu « mutant » ! Le but était de créer une ambiance qui soit volontairement très artificielle.»

Le choix des instruments, basse, batterie et synthés, s’est axé sur ces rencontres ?
A.M. : Non. A la base, j’ai tout fait avec des boites à rythmes et beaucoup de synthés, puis j’ai tout trafiqué pour que l’ensemble sonne un peu « mutant » ! Le but était de créer une ambiance qui soit volontairement très artificielle. Il y a aussi pas mal de guitares mais on ne le remarque pas vraiment ! On a commencé à jouer ensemble pour préparer les concerts en janvier 2020. On a enregistré et rajouté quelques éléments puis est arrivée la crise sanitaire. En juin on a rajouté deux morceaux que j’avais composés durant le confinement, ce qui nous permettait d’avoir un album complet sur la durée. Mais peu importe qui fait quoi musicalement. Avec le mix on ne sait pas le deviner, ce sont juste des sons qui sont harmonieux, pas trop mécaniques, juste quelque chose de vivant.

J’ai vu BRNS plusieurs fois en concert mais aussi Ropoporose et Monolithe Noir et j’ai ressenti des éléments venant des trois groupes sur « Earworm »…
A.M. : Il y a beaucoup d’accointances vu que ce sont des gens que je fréquente depuis un certain temps. Nos univers sont un peu connexes. C’est vrai que Monolithe Noir c’est très intense ! Avec Paradoxant, nous optons pour un propos un peu « space », spécial, tout en restant facile à écouter. Et je pense que cet album l’est. Il n’y a pas non plus d’élément surplombant. Je ne voulais pas que cela soit tout le temps violent. Il y a pas mal d’accalmies…

Antoine Meersseman © Lucie Martin

Romain Bernard © Lucie Martin

Et de la pop, du dark, de la new wave et malgré cela un son parfaitement reconnaissable…
A.M. : En fait avec Clément Marion qui a fait le mixage, nous avons essayé d’amener les compostions vers de la cohérence. Même si à la base, les chansons sont assez différentes. On a voulu faire des rappels, traiter certains sons de la même manière pour donner une teinte générale à l’album.

«Je me sens pas très à l’aise comme chanteur. Il fallait faire quelque chose avec une voix que je n’assume pas forcément.»

Les voix aussi ont été trafiquées…
A.M. : Je ne me sens pas très à l’aise comme chanteur. Le but, c’était d’arriver à faire quelque chose d’intéressant avec une voix que je n’assume pas forcément. C’était aussi l’occasion d’expérimenter sur cette voix avec de nombreux effets qui amènent les choses un peu plus loin. Sur les nouveaux morceaux que je compose, je prends vocalement plus d’assurance et je suis moins tenté d’ajouter des effets supplémentaires. Il y aura moins ce côté artificiel dans le futur. J’assume mieux même si je trouve que la voix dévoile notre côté intime ! Chanter c’est se trouver à découvert ! Mais la voix c’est un instrument comme un autre et il faut pouvoir l’utiliser afin de réaliser de belles choses.

Qui est Alice Maes qui chante sur « Faster » ?
A.M. : Je l’ai rencontrée, par hasard, fin janvier 2020 juste avant l’enregistrement. J’ai découvert qu’elle composait. Elle faisait des maquettes dans son coin. Je l’ai invitée et je trouve que nos deux voix vont bien ensemble. Elle était super motivée !

«Je viens de la pop et j’aime être entraîné par un refrain ou une mélodie avec un petit contrepoint.»

Même si les chansons sont souvent lentes, assez sombres, les refrains sont relativement efficaces…
A.M. : Ravi de te l’entendre dire. Je ne désirais pas faire un disque complètement obscur. Je viens de la pop et j’aime être entraîné par un refrain ou une mélodie avec un petit contrepoint. J’aime aussi faire du neuf avec du vieux. Détourner l’habituel couplet / refrain avec des sons bizarres. Se dire : « je fais des constructions pop mais dans un projet qui ne l’est pas ».

Antoine Pasqualini © Lucie Martin

Paradoxant © Lucie Martin

«Je revendique totalement ces bons vieux plans post-punk !»

Avec des influences eighties comme Cure, DAF, Cabaret Voltaire…
A.M. : Oui, j’avoue être un grand fan de Robert Smith ! Ado j’ai beaucoup écouté Cure et je trouve que cela vieillit bien. J’aime bien ré-écouter « Faith » avec ces sons un peu « corbeau » ! (rires) J’aime aussi des groupes comme Magazine, XTC. Il y a aussi des sons « datés » issus de cette époque, mais avec certains d’entre eux il y a moyen de faire des choses bien actuelles. Il y a un autre groupe que j’aime bien citer : c’est This Heat. Une musique entre post-punk et krautrock et finalement tout cela donne des formats assez libres voire expérimentaux. Ça m’a stimulé pour faire des croisements entre ces différents courants. Je revendique totalement ces bons vieux plans post-punk ! Des groupes qui pouvaient écrire un énorme single puis qui partaient sur des formats de chansons beaucoup plus longues et élaborées. Comme Gang of Four par exemple. Avec BRNS on fait des morceaux très longs et ici je souhaitais composer des titres très courts. Aller droit au but. Mais peut-être que dans quelques temps j’aurai à nouveau envie de faire des choses plus longues, plus sophistiquées.

«C’est vrai que l’image du ver… Un truc bien visqueux…»

Un mot sur le titre « Earworm » et le dessin de la pochette, un énorme ver qui sort de l’oreille. Un nettoyage d’oreille grâce à votre musique ?
A.M. : Oui, il y a un peu de cela. J’ai fait un clip du morceau « Dead Beat » où il y a un ver de terre qui me rentre dans l’oreille. Ma copine qui a réalisé le clip m’a dit que cela pourrait être marrant que l’album porte ce nom. C’est vrai que l’image du ver… un truc bien visqueux… Puis il y a le fait que la musique te reste dans la tête. Il y a un peu d’humour. Cela peut aussi avoir plusieurs significations donc c’est très bien.

Et quel est le futur de BRNS ?
A.M. : L’album va sortir en novembre. Trois ans après avoir été enregistré, fin 2018 à New York ! (Au moment où j’écris ces lignes un premier clip / single de cet album de BRNS vient d’être mis en ligne. Il s’agit de « Familiar » avec en guest Carl Roosens de Carl et les hommes-boites. On reparlera de cet album à l’automne – NDLR).

Paradoxant
Earworm
Humpty Dumpty / Mandaï

Chronique JazzMania

Propos recueillis par Claudy Jalet