Soft Works : Abracadabra in Osaka
Lorsqu’en 2003, Elton Dean (sax alto, saxello, Fender Rhodes), Hugh Hopper (basse), John Marshall (batterie) et Allan Holdsworth (guitare et guitare-synthé), soit quatre anciens membres importants de Soft Machine (mais à des époques différentes de l’histoire du groupe), décidèrent de former un nouveau projet, l’excitation était grande. Il était clair que, même si ce projet allait prendre le nom de « Soft Works », c’était bien un nouveau Soft Machine qui voyait le jour. Pour rappel (voir les chroniques JazzMania des albums « Live at the Baked Potato » et « British Tour ’75 » de Soft Machine), ce pilier de l’école dite de Canterbury avait fortement marqué les années 68-76. Tout d’abord avec deux premiers albums à coloration psychédélique, suivi de quatre albums beaucoup plus complexes avec des éléments jazz de plus en plus évidents et, enfin, trois derniers albums très « fusion » (à une époque où ce genre était novateur, avec d’incessantes expérimentations). Il y eut encore des soubresauts éphémères jusqu’en 1984, mais beaucoup moins significatifs. Donc, en 2003, arrive ce groupe de rêve (pour la petite histoire, un des artisans de cette union fut Leonardo Pavkovic, grand amateur de Soft Machine, ami personnel d’Elton Dean et qui, avec l’album que ce groupe allait sortir, démarra la passionnante histoire de MoonJune Records, dont il est toujours à la tête) qui sortit un album nommé « Abracadabra », très bon album dans la lignée des albums « 3 » à « 6 » de Soft Machine, fait de sept compositions originales et de la reprise de « Calyx », ce classique « canterburien » écrit par Phil Miller (Matching Mole, Hatfield & The North, National Health, In Cahoots et plein d’autres autres projets). Faisant suite à la sortie de ce disque, le groupe donna 11 concerts (5 en Italie, un aux Etats-Unis, un au Mexique et 4 au Japon). Le 11 août 2003, Soft Works était à Osaka et c’est cet enregistrement qui nous est proposé : 1 heure 45 de musique (double CD), soit 7 des 8 titres de « Abracadabra », une nouvelle composition d’Allan Holdsworth et 3 reprises de classiques de Soft Machine (deux compositions de Hugh Hopper – « Facelift » de l’album « 3 » et « Kings and Queens » de l’album « 4 » -, ainsi qu’une variation autour de « As if » (album « 5 »), nommée « Has Riff »). Les interprétations sont très énergiques. Alors que l’on pouvait éventuellement reprocher à « Abracadabra » son côté un peu froid et clinique, ici, Allan Holdsworth et Elton Dean s’en donnent à cœur joie dans des chorus inspirés qui donnent une pulsion nouvelle aux compositions (le « Facelift » nouveau n’a plus rien à voir avec l’original si ce n’est le thème reconnaissable qui dure quelques dizaines de secondes. Les 13 autres minutes de ce titre permettent des improvisations endiablées où chacun des membres peut développer ses qualités. Soyons clairs : pour tout amateur de Soft Machine, cet album est indispensable. Il marque (avec l’album « Abracadabra » en studio) le début d’une nouvelle ère pour ce groupe, qui continue toujours aujourd’hui (Allan Holdsworth, qui reste rarement longtemps dans un projet, fut vite remplacé, comme en 1975, par John Etheridge et le groupe prit alors le nom, plus évident, de « Soft Machine Legacy ». Elton Dean décéda en 2006 et fut remplacé par Theo Travis. En 2009, c’est Hugh Hopper qui nous quittait. Comme en 1973, Roy Babbington lui succède. Depuis 2018, le groupe a enfin repris son nom légitime de Soft Machine, qui devrait donner des concerts en Europe à l’automne 2021, si les conditions sanitaires le permettent.
Sergio Liberati