Sullivan Fortner, Aria
Sullivan Fortner, Aria (Impulse)
A moins de trente ans – il en aura 29 fin décembre – Sullivan Fortner sort un premier album intitulé « Aria » sur un label mythique à la tranche orange et noire qui garnit les discothèques depuis des décennies : Impulse ! Encore peu connu sur le circuit européen, ce pianiste né à La Nouvelle-Orléans a déjà tourné sur le vieux continent avec Christian Scott et Roy Hargrove, et a aussi beaucoup travaillé aux côtés de la famille Marsalis, de Donald Harrisson, Billy Hart et bien d’autres aux Etats-Unis. Il débute le piano d’oreille à sept ans après avoir entendu l’organiste d’une église baptiste dans sa ville natale … où il tiendra lui-même le rôle d’accompagnateur deux années plus tard à peine. Après un passage dans plusieurs écoles de musique, il complètera sa formation à la Manhattan School of Music avec Jason Moran comme professeur. Et le style de Moran, on le retrouve dans cette première galette du pianiste : une élégance naturelle dans le jeu de la main droite, des racines blues évidentes et un goût prononcé pour la tradition : cinq standards et cinq compositions personnelles, un équilibre parfait. Des standards bien connus comme « All The Things You Are », “For All We Know” en solo ou « I Mean You » de Monk qui s’illumine par la brillance de son jeu, et deux pièces moins jouées, “You Are Special” de Fred Rogers et “You know I Care” de Dave McHugh. Dans les compositions personnelles, on sent le travail sur les compositeurs classiques : « Aria » et «Finale » font partie d’une suite composée par Fortner, « Passepied » est basé sur une danse baroque, et « Parade » rappelle ces processions funèbres de New Orleans où se mêlent joie de la danse et émotion. Outre les qualités de ce jeune pianiste, on éprouvera dans ce premier album une certaine curiosité à aller chercher plus loin des informations sur ses brillants accompagnateurs : le saxophoniste Tivon Pennicott ( déjà auteur d’un album à son nom «Lover Nature ») s’illustre sur « I Mean You », Joe Dyson à la batterie et Aidan Caroll à la contrebasse font partie des jeunes têtes de série des clubs américains. Des musiciens à découvrir sans tarder sur ce bel opus, avant de les voir chez nous ?
Jean-Pierre Goffin