Thomas Champagne : raz-de-marée
Après l’aventure du trio (album « Charon’s Boat ») puis l’univers très hard bop du The Sidewinders Quintet avec Michel Paré à la trompette, l’altiste Thomas Champagne a fondé le quartet Random House, avec Guillaume Vierset à la guitare. Dans la foulée d’un premier album, « Sweet Day », Thomas a décidé d’accueillir un invité : le trompettiste américain Adam O’Farrill. Un invité de marque issu d’une famille très célèbre, puisque son grand-père Chico a travaillé avec le percussionniste Machito, partenaire de Dizzy Gillespie, et que son père Arturo a été repéré à 18 ans par Carla Bley avec qui il a tourné durant plusieurs années. Adam a côtoyé de grands noms de la scène new-yorkaise, d’Ellery Eskelin à Rudresh Mahanthappa et a formé, avec son frère Zack au piano, le quartet Stranger Days.
«Lors de notre résidence à Avignon, nous étions ensemble tous les jours, pour jouer et pour vivre. On formait une belle équipe, parfaitement soudée.»
Avec Random House, tu opères un réel virage après le hard bop des Sidewinders ?
Thomas Champagne : Tout à fait, on aborde un autre style de musique. Cependant, des choses se ressemblent, il y a des points communs comme le groove, mais dans un autre climat.
Qu’est ce qui t’a incité à choisir Guillaume Vierset à la guitare ?
T.C. : A l’époque du trio, après un certain temps, j’ai eu envie d’accueillir des invités comme Pierre Vaiana ou Jean-Paul Estiévenart… Mais aussi Lorenzo Di Maio à la guitare. Comme Lorenzo n’était pas disponible, on a fait appel à Guillaume Vierset. Et c’était super, j’aime beaucoup Guillaume, humainement et musicalement. Ses couleurs, avec une influence pop se joignent à une grande connaissance du jazz. Cela apporte beaucoup au groupe et puis il a un réel talent d’arrangeur.
«Sur plusieurs thèmes, musicalement, nous avions envie d’avoir un deuxième souffleur.»
Comment as-tu choisi ta rythmique ?
T.C. : Au niveau esthétique, Alain Deval propose une rythmique instable, non classique pas uniquement swing. C’est un batteur qui stimule, qui est « organique ». Je pense que c’est le mot qui qualifie le mieux son jeu, tant dans l’écoute que dans l’échange. Ruben Lamon, c’est Guillaume qui m’en a parlé. Il est le contrebassiste du Bravo Big Band et cela a fonctionné dès le premier jour. A quatre, on a passé une semaine de résidence en Avignon. Tous les jours, on était ensemble, pour jouer et pour vivre : on formait une belle équipe parfaitement soudée.
Après avoir enregistré « Sweet Day » en 2017, tu as eu l’idée d’accueillir un invité…
T.C. : Oui, on se rendait compte que musicalement, sur plusieurs thème, on avait envie d’avoir un deuxième souffleur, une autre énergie. Changer de couleur dans les solos et, au niveau pratique, avoir un autre lien avec une formule différente.
«O’Farrill, ce n’est pas une rencontre uniquement musicale, mais une envie de surpasser le quartet.»
Comment as-tu choisi Adam O’Farrill ?
T.C. : Il y a plusieurs années, je suis allé à New York où j’ai pris quelques cours avec Ellery Eskelin que j’aime beaucoup. Je l’ai entendu en concert avec Adam dans le groupe Rhombal de Stephan Crump. Adam a aussi joué avec le groupe de Rudresh Mahanthappa : il avait 18 ou 19 ans. J’ai tout de suite été impressionné par plusieurs choses : l’énergie mais aussi son côté humain. Il est musicien et compositeur. Il joue tout le temps à fond, c’est un musicien complet. Ce n’est pas une rencontre uniquement musicale mais une envie de surpasser le quartet, de se surpasser musicalement. Il associe un sens aigu de l’écoute à une faculté d’improvisation. Il a une capacité d’interaction incroyable. Parfois Adam sort de l’harmonie de départ pour jouer swing ou free selon son envie. On peut avoir de beaux échanges entre trompette et saxophone, développer une relation interactive entre les deux souffleurs… On s’est très vite compris. On improvisait déjà à deux avec Guillaume. Ici, avec Adam on improvise en s’écoutant et en se répondant l’un à l’autre.
Tu a eu une série de concerts avec Adam en 2019. Ce qui frappait c’est qu’Adam jouait sans partition…
T.C. : On a avait eu un seul jour de répétition, mais, dès le troisième jour de concert, Adam connaissait le répertoire par cœur. Entre nous, nous avions travaillé de nouvelles compositions mais lui n’a pas vraiment besoin de répétition. Il possède une grande faculté de mémoire.
Pourquoi ne pas avoir enregistré dans la foulée de ces concerts en 2019 ?
T.C. : A cause du Covid. On avait cinq concerts bien choisis, puis un jour de studio pour enregistrer une démo en vue d’un album. On a même joué tout le répertoire comme en concert, en deux sets, avec une pause au milieu. On avait une trentaine de versions possibles. Nous avons mixé huit plages en 2020 mais la pandémie est arrivée et tout a été reporté.
Tes compositions « Muse » et « Gentle Breeze » sont précédées par deux « Interludes » : des plages improvisées ?
T.C. : Tout à fait, sur « Interlude I », Guillaume improvise sur un canevas d’accords et une ligne de basse. Pour « Interludes II », j’ai écrit une suite d’accords, comme base d’impro.
«Adam reviendra en Belgique en septembre. On en profitera pour jouer au Pelzer et à Flagey…»
L’album sort le 18 juin, des concerts sont-ils prévus ?
T.C. : Un clip sera disponible sur You Tube à partir du 11 juin. Par ailleurs, Adam revient en Belgique en septembre. On jouera le 21 septembre au Hnita Hoeve de Heist op den Berg, le 22 au Pelzer Jazz Club à Liège, le 24 à Flagey pour la sortie officielle de l’album et on terminera la mini tournée, le 25, à Soignies. On espère d’ici là trouver une date en Flandre. En février 2022, on participera au Belgian Jazz Meeting en vue d’intéresser des programmateurs tant belges qu’étrangers.
Thomas Champagne Random House feat. Adam O’Farrill
Tide
Igloo