L’Étourneur : Label aux goûts explosés !
J’ai dévoilé sur ce site que le troisième album des français de Dustman Dilemma était mon coup de cœur pour 2021. Album paru sur L’Étourneur, un label indépendant de Caen qui édite des artistes, des groupes, que l’on situe aux frontières du désert rock, du punk, du prog, du post-rock, de la lo-fi, de l’expérimental, du jazz. Bref, un bel éventail. En ce début de 2022 ce sont les vinyles de Chafouin et de Profondo Scorpio qui nous sont parvenus. Avec ce dernier c’est le jazz qui se voit édité d’une superbe manière. L’envie d’en savoir plus me titillait et c’est avec le fondateur du label, Thomas Lefebvre, aussi membre de Zézette, que j’ai eu une agréable discussion qui forcément commence avec la genèse de cette association.
Thomas Lefebvre : Fin 2014, de retour en France après un long voyage avec ma compagne, nous avons cherché un lieu pour vivre et y faire répéter des amis musiciens. Nous avons trouvé un orphelinat dans la banlieue de Caen, à Vacognes-Neuilly et petit à petit l’Association s’est créée. Trois ans plus tard j’ai décidé de fonder un label. Tout cela dans l’esprit « DIY / Do it yourself ». Le premier disque fut celui de F.A.T. un groupe lillois de post-rock noisy. Petit à petit, avec de l’auto apprentissage, je suis devenu technicien son et le studio que l’on a monté est devenu un lieu de répétitions, d’enregistrements. Les groupes sont venus et assez vite il y a eu cette conscience que l’Association devenait plus que de l’aide aux copains. C’est devenu un lieu de travail, une chaîne de création, de production, de diffusion. Avec l’organisation de concerts, l’animation de lieux culturels sur Caen. On a désormais plusieurs studios et on est aussi passé à la production de disques ainsi qu’à la réalisation du visuel, de l’objet artistique. Mais nous sommes toujours une petite structure avec seulement deux salariés !
Vous organisez aussi pas mal de concerts…
T.L. : On a commencé cela dès 2017. Il y a beaucoup de petits clubs dans Caen avec une programmation rock, jazz, expérimentale. On a investi de nombreux endroits, même une salle de cinéma d’arts et d’essais. Et des lieux à vocation associative bien sûr, où la présence du public était possible. Et au fil de toutes ces rencontres, un réseau s’est créé avec beaucoup d’interconnexions entre tous ces groupes. Il y en a même qui se sont formés dans nos studios ! Et de qui nous avons ensuite sorti des disques.
Vous avez des critères de sélection dans le choix des groupes édités sur le label ?
T.L. : Pas vraiment. Le choix vient souvent d’une rencontre musicale, d’un groupe qu’on voit sur scène et qui nous séduit. Il y a aussi des propositions reçues par internet et que souvent on doit décliner, même si on aime bien. Mais il ne faut pas oublier que nous sommes une petite association qui fonctionne sans aide ou presque. Parfois on édite en commun grâce à des collaborations diverses. Ces disques ne pourraient pas exister sans ces regroupements. Et c’est aussi difficile d’avoir un critère objectif dans les choix. Parfois on ne sait pas pourquoi on fait l’un plutôt que l’autre ! (rires)
Vous établissez des contrats avec ces groupes ?
T.L. : Oui. On essaye d’être le plus aidant possible. Mais cela dépend. Parfois nous sommes impliqués de la composition des titres jusqu’à la production finale, puisque nous sommes tous musiciens. Il nous arrive d’avancer les frais jusqu’au pressage et ce qui va être contractualisé, c’est la manière dont on va acter la récupération de l’argent investi. C’est la première clause, parfois elle est tacite, mais il arrive qu’on l’explicite par écrit. Et quand nous sommes remboursés, le reste c’est pour le groupe.
Sur la pochette du dernier Chafoin, il y a une dizaine de labels, d’associations dont les logos sont imprimés…
T.L. : C’est un cas particulier mais intéressant, Chafouin. Leur musique, quand elle arrive et qu’ils nous demandent de participer, c’est déjà quasiment fini ! Là, on devient coproducteur et on s’occupe de la distribution. Et comme dans toutes ces structures alternatives, plus il y a de participants, plus l’album se dispatche sur le territoire. Pour Chafouin nous avons pris une quarantaine d’albums et nous avons un distributeur local pour tout ce qui concerne les lieux culturels dans notre coin. Et eux, comme ils ont une douzaine de soutien, ils trouvent assez bien de concerts et autant d’endroits pour vendre leurs albums.
Mais il est aussi en téléchargement libre…
T.L. : Mais tous les disques qui sont sur notre label sont en téléchargement libre sur Bandcamp. Les gens payent ce qu’ils veulent et on ne gagne pas grand-chose. Mais nous, ce qui nous intéresse, c’est de vendre des disques ! Ce qu’il y a de bien c’est que, par exemple, des radios peuvent prendre des morceaux sur Bandcamp et les diffuser. Et avant la pandémie, nos groupes tournaient beaucoup. Là il y a un petit mieux et des groupes comme Galaguerre et Zézette vont repartir pour des concerts à la mi-mars avec des concerts en France et un peu en Belgique. On a des touches avec le Magasin 4 et La Zone.
Quelles seront les prochaines sorties sur le label ?
T.L. : Là dans l’immédiat c’est l’album de Profondo Scorpio qui parait en mars. Un album dont nous sommes très fiers, il y a un beau travail qui s’est effectué avec ce disque. On connaissait Samuel Frin (le saxophoniste du groupe) qui fait partie aussi de Dustman Dilemma. Il nous a demandé si nous pourrions avoir de l’intérêt pour ce groupe-là. Nous les avons fait jouer en concerts plusieurs fois et c’est un projet tellement original avec cette influence, la thématique du cinéma giallo italien, que nous ne pouvions que collaborer. Et ce visuel, quand tu vois cette pochette dans un bac de disques tu ne peux que succomber ! (rires) J’ai posé la question aux musiciens de savoir s’il y aurait un visuel pour les concerts, style transfuge de film. Mais tout ce que je sais c’est qu’il y aura un éclairage particulier pour les deux dates de la release party à Caen mi-mars. Il y aura quelques apparitions, style happening, mise en scène en relation avec le cinéma. Puis il y aura certainement une tournée. Nous en sommes là pour l’instant mais il y a une dizaine d’albums qui sont en prévision. Production ou co-production. On a l’impression d’avancer et c’est chouette à vivre. A l’échelle locale et au niveau du Calvados on a une bonne couverture médiatique. Ça reste petit mais pas moins intéressant pour la cause.
Et le label est bien ouvert à différents styles…
T.L. : On peut dire que nos goûts sont explosés ! Nous sommes réellement ouverts à tous les genres, du soft rock au death metal ! Même la pop et le jazz. Tout nous va ! C’est l’ouverture et le côté imprévisible des choses qui nous plaisent aussi.
Il y aura une suite à cette rencontre. J’ai le contact du leader / compositeur de Profondo Scorpio et vu la qualité et l’originalité du projet, l’envie de discuter avec lui est bien là. Affaire à suivre donc.
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